L’une des inquiétudes les plus fréquemment exprimées par les patients est le fait de se réveiller ou de ressentir de la douleur pendant la chirurgie. Cette peur est sans doute exacerbée par les références de la culture populaire, comme par exemple le film de 2007 Conscient (‘Awake’) et un épisode de Dre Grey, leçons d’anatomie, dans lequel un patient se réveille pendant la chirurgie.

Qu’entend-on par conscience pendant l’anesthésie générale?

La conscience sous anesthésie générale (c.-à-d. au moment où le patient n’est pas censé être conscient) est rare, et survient lorsqu’un patient décrit qu’il est conscient des conversations, des mouvements, de la pression et de l’inconfort. Alors que la conscience sous anesthésie générale est rare, la conscience accompagnée de douleur l’est encore plus.

Est-ce que la conscience pendant l’anesthésie générale est fréquente?

On pense que ce phénomène arrive globalement dans environ 1 anesthésie générale sur 1000. Ce chiffre englobe tous les patients subissant une anesthésie générale, y compris les patients appartenant à des groupes bien connus comme présentant un risque élevé (voir ci-dessous). Selon une étude récente, l’incidence réelle pour les patients à faible risque est en fait bien plus basse et est de l’ordre de 1 sur 15 000 à 1 sur 40 000.1

Est-ce que tous les patients conscients pendant la chirurgie ressentent aussi de la douleur?

Non. Des douleurs ne sont rapportées que chez une petite minorité de patients conscients – environ 1/3 des patients conscients rapportent de l’inconfort.

Quels sont les effets à long terme de la conscience pendant l’anesthésie générale?

L’expérience de la conscience peut être très éprouvante et un faible pourcentage de patients l’ayant vécu pourraient manifester des troubles psychologiques à long terme, comme par exemple un syndrome de stress post-traumatique. Il existe d’autres choix que l’anesthésie générale pour certains patients (selon la chirurgie envisagée). Si vous avez vécu un épisode de conscience pendant la chirurgie par le passé, il est important d’en parler avec votre anesthésiste.


Quand est-ce que la ‘conscience’ (voir la définition ci-dessus) est considérée normale ou attendue?

Certaines chirurgies sont réalisées sous anesthésie régionale (comme la rachianesthésie, les péridurales ou les blocs nerveux) plutôt que sous anesthésie générale. Dans ces cas, on donne souvent des médicaments intraveineux aux patients pour les aider à se détendre et les rendre un peu somnolents. Cette technique est appelée sédation consciente; anesthésie ‘neuroleptique’ est le terme ancien. On parle aussi, dans la langue populaire, de ‘semi-conscience’ ou de ‘demi-sommeil provoqué’.

Lorsqu’on a recours à ce genre de techniques, il est normal d’être conscient jusqu’à un certain point et de ressentir de la pression au site de la chirurgie. Cet état n’est pas considéré comme de la ‘conscience sous anesthésie générale’; en effet, il est attendu et les techniques d’anesthésie régionale décrites ci-dessus empêchent toute douleur.

Deuxièmement, alors que les patients s’endorment ou se réveillent de l’anesthésie générale, ils pourraient avoir conscience de ce qui les entoure pendant un moment, lorsque les médicaments anesthésiques commencent à agir ou que leurs effets s’estompent.

Pourquoi existe-t-il des épisodes de conscience?

L’anesthésiste administre simplement une anesthésie ‘pas assez forte’ – de façon délibérée (voir paragraphe ci-dessous) pour sauver le patient ou par erreur.

L’anesthésie peut avoir des effets considérables sur la tension artérielle et la fonction cardiaque. Ces effets peuvent être encore plus prononcés chez les patients présentant des conditions médicales sous-jacentes graves, et tout particulièrement les conditions qui affectent le cœur, la circulation sanguine et les poumons. Ces effets peuvent aussi être beaucoup plus prononcés chez les patients qui ont des blessures graves ou qui saignent abondamment. Chez ces patients, l’objectif premier de l’anesthésiologie est de sauver leur vie pendant la chirurgie. Dans de tels cas, la ‘quantité d’anesthésie’ pourrait devoir être réduite. Cela augmente le risque de conscience sous anesthésie générale.

Les erreurs de médicaments (médicament incorrect ou dose incorrecte) ou le mauvais fonctionnement des appareils peuvent également être à l’origine d’épisodes de conscience.

Une autre explication est que le patient ne réagit pas normalement et semble plus résistant (ce qu’on appelle ‘tolérance’ en termes médicaux) aux médicaments anesthésiques. Cela peut être dû aux autres médicaments utilisés (comme les benzodiazépines) ou à l’abus d’alcool ou de cocaïne. Un petit groupe de patients pourrait présenter une résistance innée. Des recherches portant sur ce sous-groupe de patients sont actuellement en cours. À l’heure actuelle, il n’existe aucune façon d’identifier ces patients.


Cependant, même parmi les patients à risque élevé, la conscience demeure tout de même très rare.

Certaines chirurgies comportent-elles un risque plus élevé de conscience sous anesthésie générale?

Oui : il s’agit des césariennes (réalisées sous anesthésie générale), des chirurgies cardiaques et des chirurgies traumatologiques.

Comment mon anesthésiologiste peut-il éviter que je sois conscient?

L’étape la plus importante est d’être constamment à vos côtés en salle d’opération.

Deuxièmement, nous sommes des professionnels très bien formés et nous sommes toujours conscients du risque d’être conscient. Nous surveillons aussi constamment vos signes vitaux.

L’anesthésiologiste peut-il toujours détecter l’état conscient pendant une intervention chirurgicale?

Il n’existe pas de garantie absolue qu’on puisse détecter la conscience – d’où la préoccupation. Il n’existe pas de moniteur qui écarte la possibilité de conscience dans 100 % des cas.

Existe-t-il certains médicaments qui peuvent être administrés et qui réduiront la probabilité de conscience pendant l’anesthésie générale?

Oui, mais ceux-ci ne garantissent pas non plus une absence de conscience.
 
Le fait de choisir une anesthésie régionale pourrait réduire votre peur d’être conscient et de ne pas pouvoir communiquer votre douleur ou votre anxiété.


Rédigé par le Dr J. Koval
Révisé par le Dr Martin van der Vyver et le Dr B. Orser
Date de création : 1er novembre 2010
American Society of Anaesthesiologists. Practice Advisory of Intraoperative Awareness and Brain Function Monitoring. Anesthesiology 2006; 104:847-64

Orser B, Mazer D, Baker A. Awareness during anesthesia. CMAJ 2008; 178:185-9

Domino K, et al. Awareness during Anesthesia: A Closed Claims Analysis. Anesthesiology 1999; 90

 

Conscience peropératoire :
un article du Journal de l’Association médicale canadienne

Points saillants de l’article
La conscience peropératoire, en d’autres termes la résurgence inattendue de souvenirs quant aux événements ayant eu lieu pendant l’anesthésie, est vécue par certains patients subissant une anesthésie générale et survient chez 1 à 2 patients sur 1000, au maximum. La plupart des patients ne ressentent pas de douleur, mais ont, par contre, de vagues souvenirs d’événements auditifs ou de rêves. Environ 36 % des patients ayant eu un regain de conscience rapportent un certain degré de douleur, qui peut occasionnellement être grave.

Parmi les facteurs de risque prédisposant un patient à un regain de conscience, citons l’âge du patient, la réserve cardiaque et les abus de substances. Les interventions associées à une augmentation des risques incluent les chirurgies cardiaques et traumatologiques ainsi que les accouchements par césarienne.

Parmi les stratégies de prévention, on compte : le monitorage par un anesthésiologiste expérimenté et, possiblement, l’utilisation de benzodiazépines. L’utilisation des moniteurs neurophysiologiques actuels, qui ont pour objectif d’évaluer la profondeur de l’anesthésie, n’est pas recommandée dans la pratique de tous les jours.

Pour consulter l’article dans son intégralité, veuillez cliquer sur le lien suivant : http://www.cmaj.ca/cgi/content/full/cmaj;178/2/185

Remarque : Cet avis est destiné aux médecins spécialistes. Article disponible en anglais uniquement.

Qu'est-ce qu'être conscient durant une anesthésie ?